Le Cormoran de La Vraie-Croix II

Le cormoran de La Vraie-Croix, celui que vous voyez sur cette photographie, m’a offert l’une de ces rencontres inoubliables que tout photographe animalière espère secrètement. Il y a quelque chose de presque intimidant dans son regard perçant, un regard qui, je le jure, semblait posé sur moi malgré la distance qui nous séparait. Même lorsqu’il me tournait ostensiblement le dos, j’avais l’impression qu’il ne me perdait jamais vraiment de vue. Comme s’il me lançait un défi silencieux, me rappelant que, peu importe la distance ou le calme apparent, il restait le maître de cet étang.

Cette matinée, à l’étang de La Vraie-Croix, était fraîche, et l’air portait cette humidité légère typique des bords d’eau. Je m’étais installé tôt, espérant peut-être croiser une nouvelle fois ce héron cendré insaisissable. Mais, comme souvent, c’est un autre oiseau qui a volé la vedette. Ce cormoran, sombre et imposant, se tenait là, posé sur une branche basse près de l’eau. Son allure, avec ses ailes sombres et ses mouvements presque prédateurs, attirait immédiatement l’attention.

Ce qui est fascinant chez le cormoran, c’est cette dualité entre son élégance aérienne et sa nature de plongeur agile. Lorsqu’il prend son envol, c’est avec une grâce étonnante, ses larges ailes le portant dans un battement lent et majestueux. Mais dès qu’il plonge dans l’eau, tout change. Le cormoran devient une ombre furtive, une silhouette presque invisible, fondue dans les profondeurs de l’étang. Je l’ai observé attentivement ce matin-là, guettant chaque mouvement, et il n’a pas tardé à me montrer ses talents de pêcheur.

Le plus amusant avec ces oiseaux plongeurs, c’est de les suivre des yeux une fois qu’ils disparaissent sous l’eau. Un petit jeu s’installe alors, une sorte de suspense : où va-t-il ressortir, et quand ? Le cormoran peut rester sous l’eau pendant plusieurs longues secondes, et à chaque fois, on est pris par cette impatience légère, à guetter l’instant où il émergera. Ce matin-là, j’avais les yeux rivés sur la surface calme de l’étang, essayant de deviner où il allait réapparaître. Puis, soudain, il émergea, non pas là où je l’attendais, mais bien plus loin, à une dizaine de mètres de son point de plongée initial. C’est toujours fascinant de voir à quelle vitesse et sur quelle distance ils se déplacent sous l’eau, comme de véritables torpilles vivantes, insaisissables et mystérieuses.

C’était un spectacle que je ne pouvais me lasser d’observer. À plusieurs reprises, il replongeait, toujours aussi furtif, toujours aussi déterminé. Et chaque fois, je me demandais ce qu’il chassait en silence, quels petits poissons ou créatures aquatiques attiraient son attention dans cet étang calme de La Vraie-Croix. Quand il ressortait de l’eau, son bec pointu parfois vide, parfois tenant une petite prise argentée, il se secouait légèrement, comme pour se débarrasser des gouttes qui perlaient encore sur ses plumes sombres. À ce moment-là, il était l’image même du chasseur, implacable et précis.

Mais une fois sa session de pêche terminée, le cormoran, tout comme son compagnon que j’avais aperçu plus tôt, rejoignait les arbres autour de l’étang. Et là, le spectacle devenait tout autre. Ces oiseaux, perchés sur les branches, déployaient leurs larges ailes pour les sécher. Leurs ailes noires, étendues comme celles de chauves-souris géantes, donnaient une allure presque sinistre à la scène. Il m’a alors été impossible de ne pas penser à des vautours, à ces créatures que l’on voit perchées, guettant patiemment, comme dans l’adaptation animée de « Le Livre de la Jungle » que j’avais vue étant enfant. Ces cormorans, avec leurs airs de vieux sages et leurs attitudes nonchalantes, semblaient attendre leur heure, savourant une pause bien méritée avant de retourner à la pêche.

Je me souviens de cette image presque irréelle : les arbres autour de l’étang, ombragés par les grandes ailes ouvertes des cormorans, chaque oiseau semblant surveiller son territoire avec une gravité digne d’un roi de la jungle. C’est dans ces moments, quand la nature s’immobilise et que le temps semble suspendu, que l’on prend conscience de la beauté brute de ces animaux. Leur routine, bien que simple, est empreinte d’une majesté particulière.

Et pour moi, ces matinées à l’étang de La Vraie-Croix, malgré l’absence du héron tant recherché, n’étaient en aucun cas des échecs. Photographier ces cormorans, les voir s’ébattre dans l’eau puis se reposer avec une telle tranquillité, était une expérience tout aussi précieuse. Ils m’ont offert des moments d’observation intenses, une plongée dans leur univers discret mais fascinant. C’est dans ces moments que je réalise à quel point la patience dans la photographie animalière est récompensée, pas toujours par ce qu’on espérait capturer à l’origine, mais par ce que la nature nous offre à voir, souvent sans prévenir.

Et ce cormoran, celui que vous voyez sur la photo, avec son regard perçant fixé sur moi, m’a laissé l’impression de m’avoir observé autant que je l’observais. Il était conscient de ma présence, mais il m’accordait le privilège de partager ce moment, de l’immortaliser à ma manière, dans toute sa simplicité et son élégance.

UGS : 1998-217
Category:

Si vous voyez une photographie sur mes réseaux sociaux ou mon site internet qui n’est pas dans la galerie, n’hésitez pas à me contacter pour une impression. Vous pouvez également consulter le Portfolio pour trouver d’autres images qui ne figurent pas dans ma galerie en cliquant ici : Voir le Portfolio

Vous avez des questions sur le format d’impression et vous ne savez pas comment votre photographie va rendre dans votre maison ? J’ai crée un article de blog pour vous expliquer les différents types de format et lequel serait le mieux pour vous. Vous pourrez retrouver cette article juste ici : Quelle impression pour chez moi ?