Au Bercail

Ce jour-là, j’étais parti explorer les alentours de La Vraie-Croix, une de ces sorties où l’on espère toujours découvrir un coin inédit, une lumière parfaite, ou peut-être simplement capturer l’âme d’un paysage à travers une photo. Mais cette fois, la journée s’était révélée peu fructueuse. Rien d’extraordinaire à photographier, et le soleil commençait déjà à décliner à l’horizon, teintant le ciel de nuances orangées. Pressé par le temps, je devais rentrer rapidement pour ne pas manquer le repas en famille. Mais sur le chemin du retour, un imprévu allait transformer cette fin de journée en une opportunité inattendue.

La route de La Vraie-Croix est bordée de plusieurs embranchements. Certains sont ouverts en journée, d’autres fermés, selon le bon vouloir des agriculteurs du coin. Ce jour-là, alors que je remontais tranquillement vers la maison, j’ai remarqué que le chemin devant moi était fermé. Un détail qui n’avait rien d’exceptionnel, jusqu’à ce que je réalise pourquoi : il était temps pour l’agriculteur local de faire rentrer ses vaches. Ce même chemin serait bientôt envahi par une procession de bêtes, ramenées à l’étable pour la nuit.

Ma première pensée fut simple : inutile d’insister, je devrais contourner ou rebrousser chemin. Mais, alors que je m’apprêtais à repartir, une idée s’est imposée. Peut-être que cette situation offrait, après tout, une belle occasion de photo. Je n’avais encore jamais eu l’opportunité de photographier des animaux dans ce contexte précis, et encore moins vu du ciel. L’image de ces vaches, marchant en file sur ce petit sentier en contrebas, capturée depuis mon drone, m’a soudain paru aussi intrigante qu’originale.

Avec cette idée en tête, je me suis éloigné du troupeau pour trouver un endroit dégagé, propice au décollage de mon drone. Une fois le bon emplacement trouvé, je l’ai fait monter doucement dans les airs, bien au-dessus du chemin pour ne pas perturber les vaches avec le bruit. Depuis le ciel, je regardais l’avancée de ces paisibles bêtes, déambulant avec une lenteur tranquille, comme si elles n’avaient aucune idée de la fin imminente du jour.

C’est alors que je vis un sentier, serpentant à travers une petite forêt. Vu du ciel, il se distinguait bien, comme une ligne claire tracée entre les arbres. Et c’est là que l’idée m’a frappé : si seulement les vaches empruntaient ce chemin forestier, cela pourrait donner une photo spectaculaire. Un troupeau, avançant lentement sur ce sentier, au milieu des arbres, avec cette perspective aérienne… Cela aurait quelque chose de poétique, presque symbolique, comme une ode à la vie rurale.

Je décidai donc d’attendre, espérant que le troupeau suivrait cette direction. J’ai patienté environ cinq minutes, observant les vaches se rapprocher du début du sentier. Finalement, elles se sont engagées sur ce petit chemin, exactement comme je l’avais espéré. Le drone toujours en l’air, j’ajustai sa hauteur, prenant soin de ne pas trop me rapprocher pour ne pas les déranger, mais suffisamment pour avoir une vue dégagée de la scène.

Je les suivais des yeux, du haut des airs, tout en immortalisant ce moment avec mon appareil photo. Il y avait quelque chose de presque magique à voir ces animaux emprunter ce chemin naturel, comme une sorte de rituel quotidien qui prenait tout son sens vu d’en haut. La lumière du soleil couchant filtrait à travers les arbres, projetant des ombres longues et dorées sur le sol. Cela donnait à la scène une atmosphère apaisante, comme un tableau vivant.

Et puis, il y avait ce moment étrange, presque comique, où certaines des vaches s’arrêtaient pour regarder autour d’elles, sans savoir que, depuis les cieux, je les contemplais en retour. Il y avait là une rencontre silencieuse, une forme de connexion entre l’animal et l’homme, mais sans que l’un soit véritablement conscient de l’autre. Moi, caché derrière la caméra, elles, probablement intriguées par ce drone, cet objet volant qui ne faisait que les observer discrètement.

Cette petite aventure photographique, née d’un imprévu sur le chemin du retour, m’a permis de capturer une image originale, une scène paisible de la vie rurale vue sous un angle différent. C’est ça, parfois, la magie de la photographie animalière et de paysage : il ne s’agit pas toujours de partir à la recherche de la scène parfaite, mais plutôt d’être à l’écoute de ce que le moment vous offre, et de savoir saisir l’inattendu, même en pleine fin de journée, quand le soleil commence déjà à s’éclipser.

UGS : 1998-94
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