Chevrette Uruk-Hai

Cette rencontre avec la chevrette que j’ai nommée Uruk-hai reste l’une des plus étonnantes que j’aie vécue. Si son nom vous paraît curieux, il puise son origine dans une référence à la fameuse « main blanche » de l’œuvre de Tolkien, un clin d’œil à cette étrange et fascinante marque blanche qu’elle porte sur la tête. Jamais je n’avais vu cela auparavant chez une chevrette. Cette tâche, semblable à une signature singulière, lui confère un air unique, presque mystique, comme si elle était une créature d’un autre monde, venue tout droit d’un conte.

Ce jour-là, je ne m’attendais pas à une telle rencontre. Il faisait beau, et comme souvent, j’étais parti pour une petite randonnée photographique, espérant croiser quelques-uns des habitants habituels de la forêt. La pente que je montais, bien que modeste, faisait brûler mes cuisses. Je gravissais lentement le chemin lorsqu’au détour d’un virage, je me retrouvai nez à nez avec un brocard. Sa silhouette imposante se tenait là, immobile, au bout du chemin. Il m’avait vu avant même que je n’aie conscience de sa présence. C’était un face-à-face silencieux, marqué par cette tension douce que je ressens toujours dans ces moments-là. Mais le plus étonnant dans cette scène n’était pas seulement ce brocard.

Alors que nous étions figés, lui et moi, à nous jauger dans un respect mutuel, une petite forme fit son apparition sur le côté. C’était elle, la fameuse chevrette Uruk-hai. Sa petite tête blanche émergea des ronces, avançant d’un pas hésitant, mais curieux. Je la vis monter la même pente que j’avais péniblement gravie, mais avec une agilité que je lui enviais. À mesure qu’elle approchait, elle ne semblait pas encore avoir remarqué la présence du brocard ni la mienne. Ses pas la menèrent bientôt au même niveau que lui.

C’est alors que quelque chose d’assez comique se produisit. Uruk-hai, sans comprendre ce qui se passait, se tourna doucement vers le brocard. Peut-être s’attendait-elle à une réaction quelconque de sa part, mais le brocard, toujours aussi paralysé par ma présence, ne bougeait pas d’un pouce. La chevrette, intriguée par cet étrange silence, finit par tourner la tête dans ma direction. Et là, nos regards se croisèrent.

Ce fut un moment aussi drôle qu’inattendu. Nos yeux plongèrent l’un dans l’autre, et il était clair qu’aucun de nous trois ne savait réellement quoi faire. Je me retrouvais face à deux créatures majestueuses, toutes deux figées dans une sorte d’hésitation collective. La chevrette, surprise, semblait chercher une issue à cette rencontre improbable. Quant à moi, je faisais de mon mieux pour ne pas rompre le fragile équilibre de cet instant. Il y avait quelque chose de presque théâtral dans cette scène : deux mondes se rencontrant par hasard, dans un silence ponctué seulement par le bruissement léger des feuilles sous le vent.

Nous sommes restés ainsi plusieurs minutes. Ce que j’apprécie dans ces moments, c’est cette sorte de trêve tacite qui s’installe. L’animal et l’humain, liés par une compréhension silencieuse, partagent un espace sans chercher à le dominer. Dans ces instants suspendus, il n’y a ni chasse, ni fuite, juste une coexistence pacifique.

Finalement, comme souvent dans ce genre de situation, un mouvement subtil finit par briser l’immobilité. C’est Uruk-hai qui, la première, choisit de bouger. Sans précipitation, elle se tourna lentement, comme si elle ne voulait ni m’effrayer, ni brusquer le brocard toujours figé à ses côtés. Voyant sa camarade commencer à s’éloigner, le brocard se réveilla enfin de sa torpeur. Ensemble, les deux chevreuils s’enfoncèrent lentement dans la forêt, disparaissant progressivement entre les troncs d’arbres. Puis, deux autres chevrettes apparurent à leur tour, rejoignant la petite troupe. En tout, ils étaient quatre, et ils partirent d’un pas tranquille, comme une famille reprenant sa route après une brève interruption.

Quant à moi, je restai un instant sur place, le souffle coupé par l’intensité de ce que je venais de vivre. Il y a des journées où l’on peut arpenter la forêt pendant des heures sans rien voir d’extraordinaire, mais ce jour-là, la forêt m’avait offert un cadeau rare, une rencontre comme on n’en vit que peu au cours d’une vie.

Satisfait, je n’eus pas envie d’aller plus loin. Je savais que la journée était déjà complète, que je n’avais plus besoin de chercher d’autres images à capturer. J’avais vécu un moment privilégié, une interaction précieuse avec ces êtres sauvages, et c’était plus que suffisant pour marquer la journée.

Je fis demi-tour, redescendant doucement la pente, l’esprit encore empli de la vision de la chevrette Uruk-hai avec sa marque blanche si particulière. En rentrant chez moi, je repensais à cette rencontre. Il est rare de croiser des animaux avec de telles caractéristiques physiques, et encore plus rare de partager un moment aussi intime avec eux. Mais plus encore que les images prises, c’est ce souvenir, cet échange de regards entre moi et la chevrette, qui restera gravé en moi. La forêt, une fois de plus, avait su m’offrir un fragment de sa magie, et cela suffisait amplement pour faire de cette journée un souvenir inoubliable.

UGS : 1998-131
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